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Pour la Science - le blog de la rédaction
31 mars 2009

Des épines dans la paix entre les sexes

Chez certains insectes, l'organe sexuel des mâles est recouvert d'épines qui blessent les femelles lors de l'accouplement. Pourquoi de telles armes sexuelles ont-elles été sélectionnées par l'évolution ?

Jean-Jacques Perrier

Chez les animaux, certaines adaptations se sont répandues dans les populations parce qu'elles favorisent la reproduction sexuée. Ainsi, le succès reproducteur des mâles dépend d'adaptations qui leur permettent d'assurer des accouplements suffisamment fréquents pour féconder un grand nombre d'ovules. On peut donc s'interroger sur le sens évolutif de dispositifs portés par les mâles, tels que les épines génitales, qui blessent la femelle lors de l'accouplement. Des chercheurs suédois ont étudié un coléoptère modèle, la bruche à quatre taches (Callosobruchus maculatus), un ravageur de légumineuses en Afrique : les mâles dont les épines génitales sont les plus longues fécondent davantage d'ovules.

Chez les insectes, les femelles s'accouplent avec plusieurs mâles successifs. Elles sont dotées d'une spermathèque, qui leur permet de conserver longtemps les spermatozoïdes. Chez certaines libellules, des épines et barbillons situées à l'extrémité de l'organe sexuel permettent aux mâles d'éliminer le sperme des rivaux qui les ont précédés. L'intérêt adaptatif des épines semble clair. Dans d'autres cas, des chercheurs ont supposé qu'en blessant le conduit génital femelle lors de l'accouplement, les mâles diminuent le risque que la femelle s'accouple avec des rivaux ; ils protégeraient ainsi leurs spermatozoïdes déjà présents dans la spermathèque. C'est l'hypothèse du « dommage adaptatif ». Toutefois, ils diminuent aussi leurs chances de reproduction, la femelle blessée risquant de pondre beaucoup moins d'œufs.

Le cas de la bruche à quatre taches s'explique par un autre scénario, selon l'équipe de Göran Arnqvist, de l'Université d'Uppsala. L'organe sexuel du mâle est lui aussi armé d'épines qui endommagent la paroi du conduit génital de la femelle durant la copulation. Parmi 13 populations de bruche, les chercheurs ont examiné les corrélations entre la disposition et la longueur des épines génitales, les dommages causés aux femelles (par dissection du conduit copulatoire et analyse d'images) et le succès dans la compétition entre spermatozoïdes, mesuré par le nombre d'œufs pondus.

Ils ont vérifié que les dommages causés au tractus génital femelle sont bien liés à la densité et à la longueur des épines génitales mâles. Mais le fait surprenant est que les mâles ayant les épines génitales les plus longues réussissent mieux dans la compétition spermatique. Autrement dit, plus les dommages aux femelles sont grands, plus les chances que leurs spermatozoïdes fécondent des ovules sont importantes. L'explication la plus probable est que les épines fournissent une accroche interne qui permet le dépôt de sperme dans un site optimal de l'appareil génital femelle.

Du point de vue de la sélection naturelle, l'avantage des épines pour le mâle prédominerait donc sur les inconvénients pour les femelles. Mais les femelles des bruches n'ont guère le choix car, selon une étude publiée en 2007 par Martin Edvardsson, un ancien étudiant de G. Arnqvist, elles s'accouplent d'autant plus qu'elles sont déshydratées, semble-t-il pour récupérer l'eau contenue dans l'éjaculat de leur partenaire ! L'accouplement serait pour ces femelles un moyen de survie dont le prix à payer serait d'être fécondée par un organe sexuel bardé d'épines. Il semble heureusement que ce soit une stratégie peu répandue dans le règne animal...

Retrouvez plus d'infos sur ce sujet sur www.pourlascience.fr

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